N’avez-vous jamais remarqué comment tous les enfants ont le même rêve en commun ? Ils rêvent tous d’être plus vieux. Ils veulent brûler des étapes et des aventures de leur vie juste pour pouvoir imiter le plus tôt possible leur mère et leur père. Ce qui est ironique dans tout ça c’est qu’une fois rendus vieux, ils diront tous de façon unanime qu’ils donneraient tout pour revivre leur jeunesse où les tracas n’existaient pas, où les factures n’étaient qu’un pauvre morceau de papier avec des chiffres et des lettres inscrits dessus. On aimerait tous pouvoir dire à quel point nous sommes différents, uniques et anticonformistes. Pourtant, là-dessus, je dois avouer que j’ai été fabriquée dans le même moule que tous les autres. Quand j’étais jeune, je rêvais d’être plus vieille pour pouvoir me marier avec l’homme de ma vie. Joachim. Nos parents étaient amis depuis bien avant que nous soyons dans leurs vies et même dans leurs pensées. J’ai encore souvenir de quand nous jouions ensemble du matin jusqu’au soir. Parfois, je rentrais chez moi plus tôt, car il m’avait poussée, par accident, mais j’étais déjà trop rancunière pour assez ses excuses et croire qu’il ne s’agissait là que d’un accident. Je pleurais, lui criais qu’il était con et je rentrais chez moi où je trouvais nos mères en train de discuter et rire en se remémorant des souvenirs. Elles essayaient de garder un air sérieux, voire même compréhensif alors qu’avec de gros sanglots et des torrents de larmes qui coulaient le long de mes joues je leur disais à quel point je pouvais le détester. Elles se regardaient, un petit air de complicité dans les yeux, avec de se pencher vers moi et de me chuchoter que s’il agissait méchamment avec moi, c’était qu’en vérité il était amoureux de moi et qu’il ne savait pas comment me le démontrer. Je m’étais retirée dans ma chambre afin de méditer sur cette information. Le lendemain, j’avais mis de côté ma rancune et j’étais allée le retrouver pour que nous jouions ensemble encore une fois. C’est ainsi que nous nous sommes prononcés des paroles pleine de naïveté, mais aussi d’amour sincère ; « Tu crois qu’on sera mariés et qu’on aura des enfants quand on sera grands ? ». « J’en suis certain, nous deux, c’est pour toujours et à jamais. »





Depuis ce jour de notre enfance, nous étions ensemble. Au début, il s’agissait de baisers sur les joues, de se tenir les mains et, quand les parents étaient loin, des baisers timides sur les lèvres. Ce qui était normal étant donné que nous n’avions que huit ans. Par contre, nous devenions tranquillement des adolescents ; l’âge ingrat. C’était naturel, nous devenions plus vieux et nous savions plus ce que nous étions en train de faire. On aurait pu croire que nos parents se préparaient à ce jour depuis nos naissances où presque, étant donné que tout voulait que nous soyons un jour réunis, mais, si je me fiais aux regards nerveux que se jetaient mes parents lorsqu’ils devaient quitter et que j’étais collée contre Joachim sur le canapé, ils ne s’étaient pas préparés à ce que leur fille unique ait un jour une première relation sexuelle. De longs baisers, qui nous laissaient à bout de souffle, des mains tremblantes qui s’aventuraient toujours un peu plus loin et qui se retiraient rapidement si l’autre manifestait une réaction quelconque. Nous étions nerveux, c’était normal. Joachim me demandait sans cesse si j’étais certaine, si c’était ce que je voulais. Je lui répondais que j’étais prête et que c’était ce que je voulais, car je l’aimais et que je voulais qu’il me fasse l’amour. On dit que lorsqu’on est jeune, on croit être en amour, alors que nous ne connaissons rien à l’amour. Pourtant, je savais bien que c’était de l’amour que j’éprouvais pour Joachim. Je lui aurais tout donné. Je voulais qu’il me voit, qu’il me sente, qu’il me touche plus que quiconque. Je voulais que nous ne fassions plus qu’un. Je l’aimais plus que n’importe quoi dans ce bas monde, mais, pourtant, il y avait ces fois où j’aurais voulu qu’il disparaisse et nous nous séparions. Quelques jours plus tard, voire quelques semaines, nous nous tombions dans les bras. Se promettant de ne plus refaire ou redire ces choses qui nous avaient poussés à nous séparer en premier lieu. Nous étions rapidement devenus « LE » couple du lycée. Les autres filles me lançaient des regards hargneux, désirant visiblement être à ma place. Tandis que je me faisais arrêter dans les coins des couloirs par des jeunes hommes qui auraient « bien voulu gouter à ce que veinard de Viccinaza goûte à sa guise », comme ils le disaient eux-mêmes. Nous restions fidèles malgré tout. Nous nous étions juré se s’aimer « pour toujours et à jamais» ainsi que de se marier et nous allions tenir notre promesse point à la ligne. Pourtant mes parents ne voyaient pas ça du même œil puisqu’ils m’annoncèrent que nous devions déménager le jour de mes dix-sept ans. Je quittais Manhattan pour me rendre à Hawaii. La nouvelle m’aurait rendue folle de joie… S’il avait été question d’un voyage ou d’une résidence secondaire. Mes parents avaient fait construire une immense maison ultra moderne en beau milieu de la végétation naturelle d’Honolulu. La façon dont Joachim prit la nouvelle me consola un peu de partir loin de lui pour toujours. Je n’avais d’autres choix que de le quitter. Nous serions séparés par des kilomètres et des kilomètres et même par une mer ! Un jour ou l’autre, il en aurait assez de sa petite amie fantôme et il me larguerait ou bien, par charité, il resterait avec moi tout en allant goûter à tout ce que le « buffet» lui offrait. Évidemment, je m’étais créé des scénarios où il refuserait catégoriquement que nous soyons séparés, où il se sauverait de chez lui pour venir vivre à Hawaii avec moi ou bien que nous prenions la fuite tous les deux pour vivre notre propre histoire. Aucune réaction digne des plus beaux contes de fée ne lui vint quand je lui appris que je déménageais et que nous devions cesser notre relation à défaut de ne jamais se voir. Il s’emporta, m’accusant de vouloir cette rupture et il mit fin à cette discussion en me disant qu’il espérait de tout cœur ne plus jamais me revoir. Fermant les yeux, refusant de pleurer devant lui par orgueil et par honte d’être si triste alors qu’il réagit de façon aussi dure, j’ai simplement arraché de mon cou un pendentif qu’il m’avait acheté un jour, dans lequel nous avions entremêlé une courte mèche de nos cheveux respectifs. Je l’ai laissé tomber à ses pieds avant de lui murmurer un simple « aurevoir».





Je m’en suis plutôt bien tirée à Honolulu. Je vivais une vie de rêves, comme me le rappelais le plus souvent possible mes parents qui avaient mis sur pieds le plus populaire ‘Resort’ de cette destination chouchou des touristes. Si j’ai rapidement oublié Joachim ? Bien sûr que non. À vrai dire, je n’ai pas eu de vraie relation depuis lui. Seulement des histoires avec des touristes qui réussissaient à me faire temporairement penser à autre chose. Ce qu’il y avait de bien avec eux c’est que lorsque la «magie» ne s’opérait plus et que je repensais à cet amour perdu, leur séjour était terminé et il devait rentrer chez eux, en n’oubliant pas, bien sûr, de me promettre de revenir dès qu’il le pouvait, alors que je leur répondais froidement qu’il n’avait pas à se donner cette peine. J’avais fait mes études et je travaillais comme technicienne en architecture dans une boîte. Par technicienne en architecture, je veux surtout dire que j’étais l’ «assistante» des plus anciens et réputés architectes de l’entreprise. C’est donc moi qu’on envoyait ici et là, faire des courses aux quatre coins du pays… Littéralement. Une fois, on m’envoya à New York, à Manhattan. On savait que je venais de ce quartier de New York et on croyait en fait me faire une sorte de cadeau. Entre un entretient avec notre fournisseur d’éviers en stainless et notre fournisseur de papier peint, j’ai pris une pause café, au café où Joachim et moi allions parfois durant notre adolescence. Mon cœur cessa de battre pendant une fraction de seconde. J’étais sous le choc. Il était là, Joachim. Droit devant moi, les yeux rivés sur le breuvage qu’il tenait dans sa main. A cette image, tout l’amour que j’avais éprouvé pour lui et que je continuais d’entretenir depuis mes dix-sept ans prenait son sens. On dit que les gens qui sont faits pour être ensemble parviennent toujours à trouver le bon chemin, malgré les embuches ou le temps. J’aurais voulu qu’il ressente la même chose que moi en me voyant, mais il m’a plutôt raconté sa vie. Il m’a dit qu’il était en couple, qu’il était heureux et amoureux. Je n’avais pu m’empêcher de lever les yeux vers le ciel et hurlant mentalement à dieu que je n’avais réellement pas besoin d’entendre ces choses, ni de le revoir le seul homme qui aura jamais fait battre mon cœur. Pourtant, nous avons passé cette journée ensemble, au diable le rendez-vous chez le fournisseur. Lorsqu’en fin de soirée il me raccompagna jusqu’à ma chambre d’hôtel, je ne pu m’empêcher de l’embrasser. Je n’avais pu contrôler cette envie une seconde de plus, mes lèvres en brûlaient de désir. C’était un baiser, tendre, significatif et il aurait pu l’interrompre sans problème. Parce qu’il ne le fit pas, j’ai cru que ça y était. Qu’il me revenait enfin après tout ce temps. «Plus rien ne nous retiens maintenant, je te jure que je ne te quitterais plus ... » Et ça, je le croyais fermement. J’avais passé beaucoup trop d’années de ma vie loin de lui et je savais mieux que jamais où se trouvait ma vraie place. A ses côtés ou nulle part. Il avait voulu protester, mais je ne lui avais pas accordé le temps de le faire. Je l’ai embrassé de nouveau, cette fois plus passionnément, avec un urgence même. J’étais brisée et, devant moi, se trouvait la seule colle qui pouvait recoller tous les morceaux de mon être. Je ne pouvais pas le laisser filer. Il ne s’opposa pas plus longtemps, d’ailleurs. Il entra avec moi dans ma chambre d’hôtel et nos vêtements se sont rapidement trouvés éparpillés partout dans la pièce, entrelacés tout comme nos corps chauds. Cette soirée n’avait rien à voir avec la première fois où je m’étais offerte à lui. Ses mains tremblantes de jeune adolescent avaient fait place à de grandes mains fortes d’homme qui savaient exactement où aller. Ce soir là, quelque chose de magique s’est produit. Sur le coup, je croyais que c’était les retrouvailles de deux âmes sœurs. Plus tard, je compris que ce quelque chose de magique n’avait rien à voir avec l’amour inconditionnel que je vouais à cet homme, mais bien la conception. J’étais tombée enceinte lors de cette nuit et malgré cette petite voix dans ma tête qui me disait de taire cette nouvelle et de garder cet enfant pour moi, comme s’il s’agissait d’un vrai petit miracle, j’ai écouté mon cœur qui me disait de m’accrocher à cette vie en moi et que c’était peut-être bien la clé qui me garantissait une place dans la vie de Joachim pour de bon. Il n’avait pas vu la chose de cet œil. Il m’expliqua brièvement que son choix était fait et que c’était sa fiancée Aïyana qui l’emportait. J’ai tout de même donné vie à cet enfant. Une petite fille qui ressemblait à son père d’une façon presque troublante. Novalee Ylies Carmichael. Lorsqu’on me demandait pourquoi son deuxième nom était Ylies, je me contentais de répondre qu’il s’agissait du nom d’une personne qui m’était très chère, sans jamais préciser qu’il s’agissait du deuxième prénom de son père. Père qu’elle ne connaîtra jamais. C’est pour cette même raison qu’elle porte mon nom de famille plutôt que Viccinaza.


Quand je me suis inscrite à Take Me Out, c’était simplement pour relever un défi personnel, pour me prouver que j’étais capable de faire ce que je veux et de relever toutes sortes d'épreuves. Je ne croyais pas être prise, mais il faut croire que j’ai été assez intrigante pour avoir une place dans les joueurs. Moi qui aime les surprises, je ne risque pas d’être déçue…